Nous ne sommes pas des punching balls (ou jen ai marre de me faire agresser)
Ce matin, je pousse un coup de gueule.
Un coup de gueule contre des leaders politiques et leurs militants qui, faute darguments plus consistants, ont décidé de désigner à la vindicte du (vrai) peuple de France les responsables de tous leurs désagréments: nous, les journalistes.
Alors moi aussi, cette fois, je montre du doigt, je nomme, je précise OK, je lai écrit, les journalistes ont également contribué à la dégradation des relations entre certains partis et les médias. Mais à laune des boutefeux qui, au sein des mêmes partis, multiplient les agressions, les accusations calomnieuses, les gros mensonges et les petites mesquineries fétides, cette contribution est tous comptes faits bien minime.
Cas no 1: au soir du premier tour et de la contre-performance du Front de gauche, une journaliste de mon équipe a été brutalement prise à partie par un mélenchoniste excité et trois de ses copains baraqués, qui lont accusée de sévir dans un journal dextrême-droite une variation sur un thème minaudé quelques jours plus tôt par le délicat directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, François Delapierre, qui faisait de LExpress une « annexe hebdomadaire de Minute ». Sen prendre à une femme, la bousculer, la menacer, la mettre à la porte parce que le journal pour lequel elle travaille na pas lheur de plaire au patron: comment appeler ça autrement quun dégât collatéral? Mélenchon et ses seconds font le coup de poing théorique, insultent, vilipendent, aboient, les gros bras traduisent.
Cas no2: hier, plusieurs journalistes, dont un de chez moi et, plus violemment, Marine Turchi, de Mediapart, ont fait les frais de la rhétorique victimiste de lUMP, dont 200 000 partisans, prétend sans rire létat major sarkozyste*, étaient réunis autour du Trocadéro. Appeler la foule à se révolter contre les élites, à se lever contre la « bien pensance » et le « politiquement correct », dont, bien sûr, nous sommes respectivement les plus abjects représentants et les plus zélés porte-parole, cest peut-être vendeur électoralement, ça mobilise, ça chauffe les salles, ça défoule et ça pourra toujours servir en cas de défaite. Cest dangereux, aussi: pour la santé des journalistes et, mais oui, pour la démocratie.
Mediapart na jamais caché son engagement: la présidence actuelle ne lui va pas au teint, par ce quelle accumule de conflits dintérêt, notamment. Bien. Plutôt que de lâcher ses rottweilers sur les plateaux de télé, et finalement, hier, ses primates sur une reporter, la majorité présidentielle ne pourrait-elle pas répondre aux graves questions qui lui sont posées, sur laffaire Karachi ou ses relations avec la famille Bettencourt? François Hollande a répondu, sur les mauvaises fréquentations du PS, ça lui a coûté quelques rictus, il a probablement passé un assez mauvais moment, il a fait le job.
Il faut bien le dire: tous les partis ne sont pas égaux face au journalisme-bashing et à ses corollaires. François Bayrou a beaucoup dénoncé lostracisme médiatique dont il serait victime, aucun membre du MoDem na jamais agressé, oralement ou physiquement, un journaliste; le PS peut, à juste ou mauvais titre, se plaindre du Figaro ou du traitement déséquilibré que lui réserverait les chaînes « amis » du président, aucun participant à un meeting socialiste na jamais arraché laccréditation dun JRI de TFI ou Direct 8.
Ce genre de comportement indigne était jusquà présent le monopole du Front national qui, rassurez-vous, na pas dérogé à la tradition lors de cette campagne. Que des partis républicains sy livrent à leur tour est une mauvaise nouvelle. Et pas seulement pour les journalistes.
* PS qui a un peu à voir: ici-même ou ailleurs, je vais sans doute être copieusement taxé de sarkophobie pour cette réflexion-là, mais quiconque connaît le Trocadéro et ses étroits parages ne peut que glousser à lidée dy empiler autant de monde.
PS qui a tout à voir: la pression monte dans les meetings, elle monte aussi dans les commentaires et les tireurs de coups francs sont les mêmes. Ca modère sec, en ce moment, à LExpress.